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Imagerie TEP : la radioactivité pour voir au sein du corps

L’imagerie médicale est un fantastique outil à la disposition des médecins pour l’aide au diagnostic ou au traitement des patients. Presque tout le monde connaît le Scanner à rayons X ou Tomodensitométrie (TDM) ou l’Imagerie par Résonance Magnétique (IRM). Cependant il existe une autre technique, largement utilisée mais cependant beaucoup moins célèbre, la Tomographie par Émission de Positon (TEP). C’est dommage parce que l’imagerie TEP est un outil essentiel par lui-même and fonctionne aussi extrêmement bien quand il est couplé avec une technique d’imagerie structurelle telle que le TDM ou l’IRM. Il peut mesurer certaines fonctions du corps telles que le flux sanguin, l’utilisation en oxygène, le métabolisme du sucre et le fonctionnement des différents organes et tissus. Il est aussi intéressant de noter qu’il s’agit d’une technique considérée comme non invasive, c’est-à-dire qu’il n’y a pas d’intervention chirurgicale, bien que nous ayons une exposition à des radiations ionisantes durant l’acquisition.

De la radioactivité ? Ce n’est pas dangereux ?

Il y a une énorme confusion quand on parle de radioactivité. La plupart des gens s’imaginent les bombes atomiques ou les centrales nucléaires mais en fait c’est totalement différent. La radioactivité [1] est uniquement un phénomène physique naturel qui consiste à la perte d’énergie d’un noyau atomique qui se traduit par l’émission d’une particule. La nature aime ce qui est stable et la radioactivité est là pour faire un élément stable à partir d’un élément instable. Pour chaque élément, nous avons différentes versions de celui-ci – ils sont appelés isotopes. Les isotopes utilisés en imagerie TEP sont le Fluor, le Carbone, l’Azote et l’Oxygène. Pourquoi ceux-là ? Parce qu’ils sont déjà présents dans notre corps ce qui les rend plus susceptibles d’être acceptés par celui-ci. Le radiotraceur le plus utilisé se nomme Fluorodeoxyglose (FDG). Il s’agit une molécule de glucose associée à un isotope du Fluor, le Fluor 18, qui est absorbé par le cerveau, les muscles cardiaques et les tissus cancéreux.

À quoi ressemble un scanner TEP ?

Parce qu’une image vaut mieux qu’un long discours, voici le TEP :

Appareil de Tomographie par Émission de Positron (TEP), Jens Maus

De quoi est-il fait ? Nous pouvons voir le lit où les patients s’allongent et la structure contenant la partie la plus intéressante : la caméra TEP. L’élément de base de la caméra est un petit bloc de détection contenant 8 lignes et 8 colonnes de scintillateurs [2] associés à 4 photomultiplicateurs [3]. La fonction de chaque élément sera spécifiée plus tard. Nous assemblons ces blocs pour en faire un anneau de 72 blocs. La caméra TEP est composée de 4 de ces anneaux.

Où est-ce utilisé ?

Plusieurs importants domaines de la médecine, tels que la Neurologie, la Cardiologie et l’Oncologie, utilisent l’imagerie TEP pour le diagnostic et le suivi de traitement [4].

En Neurologie, la TEP permet d’examiner comment le cerveau fonctionne et aide à détecter des troubles ou des maladies tels que l’épilepsie ou la maladie d’Alzheimer.

En Cardiologie, c’est utilisé pour évaluer le risque de propagation de maladies pour les patients considérés pour une transplantation ou une revascularisation, pour détecter les maladies ischémiques ou pour vérifier l’état du muscle cardiaque (myocarde).

Une grande majorité des procédures utilisant la TEP sont effectuées pour l’Oncologie car la TEP est capable d’identifier des tumeurs malignes.

Comment marche la TEP ?

Nous avons notre radiotraceur se déplaçant à l’intérieur du corps. La quantité d’absorption va dépendre du type de tissu ou d’organe, de leur état, du radiotraceur utilisé, entre autres. L’isotope émettra alors, de manière aléatoire, une particule chargée positivement appelée un positon ou positron (𝛽+). Cette particule va voyager quelques millimètres au sein du corps puis disparaitre lorsqu’elle rencontrera l’équivalent négatif du positon, un électron (𝛽). À l’annihilation de ces deux particules s’ajoute l’émission de deux photons gamma (𝛾) qui sont projetés dans des directions opposées. Voir la figure suivante.

Fonctionnement de la TEP : de la décomposition radioactive de l’isotope jusqu’à l’émission des photons gamma

C’est grâce à ces photons gamma que nous sommes en mesure de détecter ce qui se produit. En effet, une fois qu’ils atteignent le scintillateur de la caméra TEP, celui-ci va émettre de la lumière qui sera détectée par le photomultiplicateur.

L’ensemble de ce phénomène se produit des millions de fois et toute l’information sur l’endroit d’arrivée de ces photons gamma est stockée dans un fichier.

Comment tout ça produit une image ?

En mathématiques, la reconstruction d’images est appelé un problème inverse et c’est un véritable challenge à résoudre. Pour visualiser le problème, utilisons une analogie. Prenant un objet, comme une tasse. Vous avez votre tasse, sur une table, avec une lampe qui lui fait face. Cette tasse va produire une ombre sur la table. La tasse c’est notre patient. La lampe notre radiotraceur. L’ombre nos données. Notre problème est de retrouver la forme exacte de la tasse en connaissant son ombre et la direction de la lumière.

À partir de là, deux choix s’offrent à nous :

Tout d’abord nous avons une méthode appelée RétroProjection Filtrée (FBP). Elle consiste à appliquer une formule de rétroprojection aussi appelée formule d’inversion de Radon [5], en prenant le chemin inverse c’est-à-dire aller des données à l’image. Cependant un tel problème est dit mal posé, car il existe malheureusement plus d’une seule solution pour le résoudre.

L’autre possibilité est d’utiliser les statistiques. Pour cela, nous nous approchons petit à petit de l’image que l’on désire. Nous commençons avec une image aléatoire sur laquelle on applique une projection similaire à celle des photons gamma. Nous avons maintenant le même type de données que celles détectées par la caméra TEP et nous pouvons les comparer. Si elles sont suffisamment ressemblantes, nous pouvons nous arrêter. Dans le cas contraire, nous corrigeons l’image pour la rendre plus précise et nous recommençons le processus. Cette méthode est appelée Espérance-Maximisation (EM) [6].

Les deux méthodes ont leurs points forts et leurs points faibles mais c’est la seconde qui est actuellement la plus utilisée dans l’imagerie TEP.

Enfin, nous avons notre image qui pourra aider les médecins à trouver le traitement le plus adapté pour leurs patients. Génial !

Image de Tomographie par Émission de Positron (TEP), Jens Maus

Références

[1] L’Annunziata, Michael F. (2007). Radioactivity: Introduction and History. Amsterdam, Netherlands: Elsevier Science. p. 2. ISBN 9780080548883

[2] Duclos, Steven J. (1998). « Scintillator Phosphors for Medical Imaging ». Interface. The Electrochemical Society. (2): 34–39. ISSN 1944-8783.

[3] Iams, H.; Salzberg, B. (1935). « The Secondary Emission Phototube ». Proceedings of the IRE23: 55. doi:10.1109/JRPROC.1935.227243.

[4] Strauss, L.G.; Dimitrakopoulo-Strauss, A (2017). Positron Emission Tomography (PET) Applications, Encyclopedia of Spectroscopy and Spectrometry (Third Edition), 2017, Pages 718-722, doi:10.1016/B978-0-12-803224-4.00046-7

[5] Radon, J.; Parks, P.C. (translation) (1986), « On the determination of functions from their integral values along certain manifolds », IEEE Transactions on Medical Imaging(4): 170–176, doi:10.1109/TMI.1986.4307775, PMID 18244009.

[6] Shepp, L.; Vardi, Y. (1982). « Maximum likelihood reconstruction for emission tomography ». IEEE Transactions Medical Imaging(2): 113–122, doi.org/10.1109/TMI.1982.4307558

Radioactivity : Nuclear Imaging, http://www.radioactivity.eu.com/site/pages/Medical_Apparatus.htm

PET/CT – Position Emission Tomography/ Computed Tomography, https://www.radiologyinfo.org/en/info.cfm?pg=pet

Bailey, D.L; D.W. Townsend; P.E. Valk; M.N. Maisey (2005). Positron-Emission Tomography: Basic Sciences. Secaucus, NJ: Springer-Verlag. ISBN 1-85233-798-2, doi:10.1007/b136169

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